AFRIQUE : 200 MILLIONS DE PERSONNES VIVENT AVEC MOINS DE 4 € PAR JOUR
« Oui le taux de pauvreté en Afrique recule, mais le nombre de pauvres augmente »
Notre chroniqueur replace dans leur contexte les chiffres de croissance flatteurs pour le continent qu’il
estime en trompe-l’œil et ne profiter qu’à une minorité.
Une croissance démographique spectaculaire
Revenons sur la croissance. Tout d’abord, les disparités régionales sont grandes puisque la croissance en 2016 n’a été que de 0,4 % en Afrique de l’Ouest et 0,8 % en Afrique centrale, quand elle dépasse les 5 % en Afrique de l’Est.
Examinons également la croissance nécessaire à un développement structurel et durable étant donné, notamment, la croissance démographique spectaculaire du continent.
La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a publié un rapport en 2014 intitulé « Le développement économique en Afrique » qui pose comme hypothèse pour un développement structurel une croissance économique de 7 % sur le moyen voire le long terme.
Sur les dix dernières années, seuls dix pays en Afrique avaient atteint ce chiffre (rapport économique sur l’Afrique pour l’année 2013, Commission économique pour l’Afrique, ONU).
La Cnuced précise que, pour obtenir une telle croissance sur le moyen terme, le taux d’investissement moyen (ratio de la formation brute de capital fixe sur le PIB) doit atteindre au moins 25 % (la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies l’estime, elle, à 33 % !).
Or, sur les vingt dernières années, ce taux d’investissement moyen n’a été que de 18 % en Afrique (Cnuced, 2014).
Le taux de pauvreté en Afrique recule depuis plusieurs années, mais la croissance démographique est telle que le nombre de pauvres augmente ! Le rapport sur les perspectives de l’économie en Afrique établit qu’il y aurait plus de 500 millions d’Africains sous le seuil de pauvreté, soit vivant avec moins de 2 dollars par jour.
Dans le même temps, il y aurait, toujours selon ce même rapport, une classe moyenne de 350 millions de personnes.
La Banque africaine de développement définit une personne appartenant à la classe moyenne par un revenu compris entre 2,2 dollars et 20 dollars par jour.
Rappelons que le seuil de pauvreté est à 2 dollars par jour, ce qui signifie que 20 cents feraient la différence entre la pauvreté et l’appartenance à la classe moyenne.
La BAD estime que sur les 350 millions de personnes vivant avec un revenu journalier compris entre 2,2 dollars et 20 dollars, près de 60 % vivent avec 2,2 à 4 dollars par jour, soit environ 200 millions de personnes.
La BAD appelle pudiquement cette catégorie « la classe moyenne flottante ». « Flottante » car elle est si précaire et proche du seuil de pauvreté qu’on ne peut décemment la qualifier de classe moyenne.
Une classe moyenne embryonnaire
La Cnuced rappelle dans son rapport de 2014 que l’enjeu pour le développement, au-delà des objectifs quantitatifs du taux d’investissement moyen et de la croissance, c’est la politique d’investissement.
La croissance d’un pays ne peut être tirée par la seule consommation intérieure, sinon le pays risque d’accroître sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur à travers les importations.
L’investissement doit être un relais fort de cette croissance. L’investissement doit, par sa qualité et son ciblage, jouer un rôle majeur dans l’accélération de l’investissement en Afrique.
Pour cela, la Cnuced recommande trois secteurs de concentration que sont les infrastructures, les agro-industries et le secteur manufacturier.
La qualité de l’investissement a trait à la pertinence, à la qualité de la réalisation et à la gouvernance des investissements.
Malheureusement, l’investissement en Afrique demeure une occasion pour les officiels de s’enrichir.
Nombreux sont les ministres et présidents qui prélèvent leur dîme sur chaque investissement ou acceptent des projets non adaptés ou de piètre qualité moyennant de larges commissions.
Le coût de la corruption
La Cnuced souligne également le nécessaire équilibre entre l’investissement public et l’investissement privé pour créer une dynamique d’accélération.
L’investissement public en Afrique, toujours selon la Cnuced, a atteint un niveau record de 11,5 % du PIB en 1982 et n’a cessé de chuter depuis lors pour atteindre son niveau le plus bas en 2012, 5 % (7 % en moyenne sur la dernière décennie).
Or les experts estiment que l’investissement public devrait se situer entre 8 % et 11 % du PIB pour contribuer réellement et durablement à la croissance.
S’agissant de l’investissement privé, il demeure faible en Afrique. Les investissements étrangers directs devraient atteindre 57 milliards de dollars en 2017, soit l’équivalent de ce qu’ont reçu les Pays-Bas en 2014 pour une population de 17 millions d’habitants… Les transferts de migrants dépasseront en 2017 le montant des investissements directs étrangers, soit 66 milliards de dollars, et l’aide publique au développement devrait se situer autour de 50 milliards (Perspectives économiques en Afrique, 2017).
Souffrance et misère
SOURCE : Le Monde Afrique 08.06.2017
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