LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

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LE PROCÈS BANCAL DE LA FAUSSE NAÏVE CHRISTINE LAGARDE

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Christine Lagarde a-t-elle bien été ministre de l’Economie ? Ou bien était-ce un hologramme, un spectre, un élégant djinn qui flottait dans les couloirs de Bercy ? En tout cas, à écouter son plaidoyer devant la Cour de Justice de la République [lire aussi page 18], cette ministre n’a rien vu, rien entendu, ni rien compris. Le dossier Tapie ? Elle avait d’autres chats à fouetter. C’est son directeur de cabinet qui a tout fait. Pourtant il s’agissait de l’un des scandales les plus retentissants de l’époque, et de quelque 400 millions d’euros pris dans les caisses de l’Etat, sans compter le «préjudice moral» de 50 millions accordés à Bernard Tapie au terme de la procédure d’arbitrage. Et dans un ministère, c’est la ministre qui décide, pas le directeur de cabinet.
Pourquoi avoir choisi l’arbitrage ? Parce qu’il fallait achever une querelle sans fin qui coûtait trop cher à l’Etat. Pourtant à ce moment de l’histoire, Bernard Tapie était mal embarqué : la Cour de cassation avait rejeté le jugement de la cour d’appel en sa faveur invitant la justice à refaire le match pour déterminer qui était fondé à réclamer des dommages et interêts.
Il fallait revenir en appel, où les intérêts de l’Etat, somme toute, pouvaient fort bien l’emporter. D’où l’idée d’une procédure arbitrale, inhabituelle, mais dont Bernard Tapie estimait qu’elle lui serait plus bénéfique. Et pour cause : l’arbitrage serait plus tard cassé en raison des liens personnels qu’entretenait son principal protagoniste, Pierre Estoup, avec… Bernard Tapie. Et pourquoi, une fois rendu en 2008 cet arbitrage outrageusement favorable à l’homme d’affaires, n’avoir pas déposé de recours ? Pour clore un vieux dossier.
Pourtant les services de Bercy étaient vent debout contre cette solution et demandaient avec insistance qu’on revienne devant les tribunaux. Ce qui sera fait plus tard, au bénéfice de l’Etat, démontrant donc que la décision de Christine Lagarde était funeste pour le contribuable. La directrice du FMI plaide l’inexpérience politique.
Etrange défense : elle était ministre depuis deux ans quand elle est arrivée à Bercy en 2007. Le brouillon d’une lettre destinée à Nicolas Sarkozy - «utilise-moi…» - montre qu’elle comprenait fort bien les contraintes politiques qui pèsent sur les nominations. Pas tout à fait une débutante, donc…
Il existe une autre explication à cette décision. On la citera à titre d’hypothèse, puisque les preuves décisives manquent et qu’il appartient à la justice de statuer lors des procès à venir. Mais chacun reconnaîtra qu’elle a, en tout cas, sa part de vraisemblance. On peut la formuler ainsi : en 2007, Bernard Tapie, à la suite d’un accord politique au contenu obscur, convainc Nicolas Sarkozy de lui venir en aide dans la querelle qui l’oppose au Crédit lyonnais et à l’Etat. Les deux hommes se sont vus dix-sept fois pendant cette période… Après l’élection présidentielle, l’Elysée décide d’accepter la demande d’arbitrage. Nommée ministre, Christine Lagarde comprend qu’il s’agit d’une décision politique qu’il faut entériner quoi qu’il arrive, quand bien même les services de Bercy y seraient opposés. Et une fois l’arbitrage rendu, la même logique politique la conduit à refuser tout recours. Quoique ministre comptable des deniers publics (400 millions d’euros en l’occurrence, une paille…), elle laisse donc faire, non par inexpérience, mais parce qu’elle est solidaire de ceux qui l’ont nommée.
Hypothèse ? Réalité ? Le procès en cours est sur ce point bancal : il y manque les autres protagonistes, qui seront jugés plus tard. Faute d’éléments, le procès Lagarde se terminera peut-être bien pour l’accusée. Mais il ne convaincra pas grand-monde…

 

SOURCE : Libération 18.12.2016



19/12/2016
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