LE REVENU UNIVERSEL, LA SOLUTION RADICALE FACE AU CHÔMAGE DE MASSE ?
ÉCONOMIE - Quel est le point commun entre Delphine Batho, Christine Boutin, Dominique de Villepin et Frédéric Lefebvre? Malgré leurs oppositions politiques, ils sont tous favorables à un revenu universel, aussi appelé revenu de base. C'est la solution qu'ils voient face à l'inévitable (notamment à cause de la robotisation) chômage de masse en ce jour d'annonce des chiffres de décembre 2015.
Attention, on ne parle pas ici d'un classique Smic ou RSA, mais d'une allocation qui serait versée à tout individu sans aucune condition, à part celle d'exister. Travailleur ou chômeur, jeune ou moins jeune, riche ou pauvre, le revenu universel l'est, justement.
Certes, l'idée peut sembler (très) utopique. A vrai dire, vous faites bien, car, comme le rappelle Brief.me, le premier à avoir théorisé cette solution à la pauvreté, Thomas More, au XVIe siècle, l'a fait dans un livre intitulé... Utopia. C'est dire si l'idée n'est pas nouvelle.
De la Finlande à la Silicon Valley
Pourtant, elle revient au goût du jour ces dernières années. A tel point que le Conseil national du numérique a proposé au gouvernement d'étudier cette piste, dans un rapport sur l'économie à l'ère du numérique. Frédéric Lefebvre et Delphine Batho ont d'ailleurs présenté le 20 janvier des amendements sur le sujet, mais ceux-ci ont été rejetés par l'Assemblée nationale.
Les recherches google liées à ce sujet sont elles aussi éloquentes:
Et la vague n'est pas que française, loin de là. En 2013, le prix Nobel d'économie Paul Krugman se prononçait en faveur d'un revenu de base. La Finlande va tester en 2017 un revenu universel à l'échelle du pays. Au Pays-Bas, la ville d'Utretch doit elle tester le revenu de base cette année. La Suisse devra également se prononcer par referendum sur la question en juin.
Enfin, la Silicon Valley s'est elle aussi prise d'amour pour le revenu universel.
La peur du robot
Mais pourquoi une idée pas si neuve (et même testée dans les années 60, voir plus bas) a-t-elle le vent en poupe? L'une des réponses est à chercher du côté des nouvelles technologies, ce qui explique également pourquoi les pontes de la high-tech y croient également. Selon le Forum économique mondial, 5 millions d'emplois seront détruits dans le monde d'ici à 2020. La faute, notamment, à l'automatisation. Un cabinet d'étude évoquait de son côté 3 millions de postes supprimés d'ici 2025 rien que pour la France.
Les plus optimistes ou pragmatiques rétorquent que la destruction créatrice en économie existe depuis la première révolution industrielle et les révoltes des luddites contre les métiers à tisser. Mais cette fois-ci, les robots et l'intelligence artificielle ne touchent pas que les métiers peu qualifiés, mais aussi les fameuses professions intermédiaires (plus d'informations sur ce sujet ici). Bref, la classe moyenne.
Et derrière ce possible chômage de masse à venir, la croissance, elle, continuera de croître. Alors plutôt que de s'opposer à la révolution technique à venir, les partisans du revenu universel se disent que si la machine finit, à terme, par remplacer l'homme au travail, il serait peut-être temps de faire taire l'adage qui dit que toute peine mérite salaire.
Critiques et expérimentations
Les discours, c'est bien beau, mais qu'en est-il de la faisabilité? En Inde, l'idée est testée depuis 2011 sur 6000 personnes pauvres. Les résultats sont plutôt encourageants: meilleur accès aux soins, diminution des inégalités et même croissance: l'activité économique et le travail n'ont pas baissé, au contraire, précise leGuardian.
Du côté des pays développés, plusieurs expérimentations ont eu lieu dans les années 60 et 70. Notamment suite à la sortie du livre Capitalisme et liberté de l'économiste libéral Milton Friedman. Il y défendait notamment l'idée d'un "impôt négatif', fonctionnant un peu comme le revenu de base: si l'on n'a pas travaillé assez dans l'année, on reçoit une prime de l'Etat pour compenser.
Richard Nixon proposa une mesure similaire. Par la suite, de 1968 à 1980, des expérimentations ont été menées aux Etats-Unis dans quatre villes, auprès de 7500 personnes. Entre 1974 et 1979, tous les habitants de deux villes canadiennes se sont vus attribués un revenu universel.
Suite à ces expérimentations, de nombreux économistes et chercheurs ont tenté d'analyser ces résultats. Les données canadiennes ont montré une augmentation de la santé moyenne des habitants. Aux Etats-Unis, on a remarqué que les personnes bénéficiaires ont eu tendance, en moyenne, à réduire le nombre d'heures travaillées.
Cela fait écho à l'une des principales critiques formulées à l'encontre du revenu universel: cette "prime à l'oisiveté" va inciter les citoyens à ne plus travailler. Si l'argument est recevable, les données américaines étaient finalement faussées sur le nombre d'heures travaillées. On remarqua également une faible diminution du nombre d'heures travaillées chez les mères de jeunes enfants et les adolescents encore à l'école, mais uniquement sur ces catégories socioprofessionnelles.
Un financement (très) compliqué
Derrière l'argument de l'oisiveté, il y a une autre grande critique formulée à l'encontre du revenu universel: son financement. Car un tel revenu généralisé peut coûter cher. Tout dépend du niveau de l'indemnité, mais si l'on imagine, dans un futur lointain, un revenu permettant de pouvoir payer son loyer et manger en l'absence d'emploi, le RSA ne suffira pas, par exemple.
Kevin Milligan, professeur d'économie à Vancouver, évoquait à propos de l'expérimentation finlandaise "une folie fiscale" dans Business Insider.
"Ils proposent un montant de 800 euros par personne, ce qui peut sembler bien, jusqu'à ce que l'on fasse le calcul et comprenne que cela demande de doubler les impôts existant pour financer ce programme (47 milliards d'euros par an dans cette hypothèse, ndlr)", précise-t-il. Autre problème, selon l'économiste: ce revenu universel remplacera les aides sociales actuellement en vigueur, mais permettra en plus "de donner de gros chèques à ceux qui n'en ont pas besoin".
C'est d'ailleurs sur la question du financement qu'on voit poindre les dissensions entre partisans du revenu universel de droite ou de gauche. Pour les libéraux, cela permet de simplifier le système d'aide sociale. De le supprimer, au moins en partie, donc. Objectif : diminuer le nombre de fonctionnaires (dont les salaires représentent 13% du PIB français, par exemple).
A gauche, on va plutôt évoquer des taxes à destination des plus riches ou des grandes entreprises, profitant justement de l'automatisation.
"On peut imaginer une hausse de l'impôt sur le revenu, une harmonisation de la fiscalité, taxer les multinationales, notamment celles liées au secteur numérique", détaille Hugo Stephan, du Mouvement français pour un revenu de base. "On peut également imaginer fusionner le RSA et le revenu de base", précise-t-il, sans aller jusqu'à évoquer une suppression des retraites ou des allocations chômages. Mais tout cela n'est "pas fixé", car le mouvement se veut transpartisan et ne veut pas trancher sur des questions sensibles.
Bref, même si le revenu de base se retrouve au centre des débats d'ici quelques années, nul doute que l'union sacrée derrière cette utopie sera vite déchirée par ces "détails" financiers.
SOURCE : LE HUFFPOST 27.01.2016
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