LE SPECTRE DE LUMIÈRE DE L'ANTIMATIÈRE MESURÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS
Le spectre optique d'atomes d'antihydrogène a été mesuré pour la première fois par des scientifiques de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN).
Les atomes ont été capturés dans un piège magnétique mis au point par les chercheurs de l’expérience ALPHA. Ces atomes d'antihydrogène ont ainsi été isolés dans un cylindre vide, d'une longueur de 28 cm et d'un diamètre de 44 mm, à travers lequel a été projeté un laser.
Le résultat obtenu est en fait la première observation d’une raie spectrale dans un atome d’antihydrogène, ce qui permet de comparer pour la première fois le spectre de lumière de la matière et de l’antimatière.
Dans les limites de l’expérience, la conclusion est qu’il n’y a pas de différence par rapport à la raie spectrale équivalente de l’hydrogène.
Cette importante percée est l’objet d’un article publié dans la revue Nature et couronne plus de 20 ans de recherches menées par la communauté de l’antimatière au CERN à laquelle sont associés plusieurs Canadiens, dont les chercheurs Makoto Fujiwara et Scott Menary.
« Nous ne nous attendions pas à voir une différence, si bien que le mystère demeure entier pour ce qui est de la raison pour laquelle la matière a triomphé de l’antimatière dans l’Univers », a déclaré Scott Menary, de l’Université York, à CBC.
En effet, ce résultat est conforme au Modèle standard de la physique des particules, la théorie qui décrit le mieux les particules et les forces qui s’exercent sur elles. Cette théorie prédit que l’hydrogène et l’antihydrogène doivent avoir des caractéristiques spectroscopiques identiques.
L'énigme demeure entière
Le mystère de l'antimatière est une des grandes questions de la physique. L'Univers semble principalement composé de matière ordinaire, alors que le modèle standard de la physique des particules postule que le big bang a libéré autant d'antimatière que de matière.
Ainsi, toute différence mesurable entre les spectres de l’hydrogène et de l’antihydrogène pourrait remettre en cause les principes fondamentaux de la physique, et permettre de comprendre l’énigme du déséquilibre entre matière et antimatière dans l’Univers.
C’est pour clarifier cette question que les physiciens tentent de mesurer avec précision les propriétés d'atomes d'antimatière pour ensuite les comparer avec celles de leurs contreparties matérielles. Les scientifiques veulent maintenant améliorer encore la précision de leurs mesures pour s’assurer de la validité des présents résultats.
Explications
Les atomes sont composés d’électrons en orbite autour d’un noyau. Lorsque les électrons transitent d’une orbite à l’autre, ils absorbent ou émettent de la lumière à des longueurs d’onde spécifiques, qui constituent le spectre de l’atome. Chaque élément a un spectre caractéristique qui lui est propre. C’est pourquoi la spectroscopie est un outil communément utilisé dans de nombreux domaines de la physique, de l’astronomie et de la chimie. Le procédé est un moyen de caractériser les atomes et les molécules et leurs états internes.
Par exemple, en astrophysique, l’analyse du spectre de lumière des étoiles lointaines permet aux scientifiques de déterminer la composition de celles-ci.
Le cas de l’hydrogène
Constitué d’un unique proton et d’un unique électron, l’hydrogène est l’atome le plus abondant, le plus simple et le mieux connu de l’Univers. Son spectre a été mesuré avec une très grande précision. Toutefois, les atomes d’antihydrogène sont mal connus. Comme l’Univers nous apparaît constitué entièrement de matière, il faut, pour pouvoir mesurer le spectre de l’antihydrogène, commencer par produire les constituants des atomes d’antihydrogène, à savoir les antiprotons et les positrons, puis les assembler en atomes.
Ce processus est long, mais l’effort vaut la peine d’être entrepris, car toute différence mesurable entre les spectres de l’hydrogène et de l’antihydrogène pourrait remettre en cause les principes fondamentaux de la physique.
En 2010, l’expérience ALPHA avait réussi à produire de l'antimatière puis, pour la première fois, à la piéger pendant assez longtemps pour l'observer. Elle avait permis de capturer 38 atomes d'antihydrogène pendant plus d'un dixième de seconde.
Les premiers atomes d'antihydrogène ont été produits au CERN en 1995, mais ils s'étaient annihilés presque instantanément au contact de la matière sans que leurs propriétés aient pu être étudiées.
SOURCE : RADIO-CANADA 21.12.2016
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