LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

PAUL WATSON, L'ACTIVISTE ÉCOLO RECHERCHÉ PAR INTERPOL

Le fondateur de l’ONG Sea Shepherd fait l’objet d’une chasse à l’homme internationale pour ses opérations anti-braconnage en haute mer. En exil à Paris où est exposé un des bateaux de sa flotte – le “Brigitte Bardot” – ce loup de mer fait le point sur quarante ans de combat.

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Ces derniers jours, on l’a vu dans tous les grands médias français. Pourtant, Paul Watson connaitrait un tout autre sort s’il commettait l’erreur de poser le pied au Japon, pays qui a émis à son encontre un mandat d’arrêt international en 2010. Ou même en Allemagne, où il était retenu deux ans plus tard avant de se voir un beau jour contraint de fuir clandestinement par la mer, barbe et cheveux tondus, échappant de justesse à son extradition vers le territoire nippon.

 

Sur la liste rouge d’Interpol

“Je suis sur la liste rouge d’Interpol ; pourtant je n’ai ni volé, ni tué, ni blessé. Je me suis opposé à une opération illégale [de la mafia japonaise] définie ainsi par la Cour internationale de Justice, condamnée par la Cour fédérale australienne et interdite par le droit international. Mon crime est de m’être opposé à un syndicat du crime”.

Le Japon, grand pays consommateur de poisson aux pratiques plus que controversées, responsable de 80 % des captures de thon rouge et d’un sulfureux commerce illégal de baleines, est l’un des adversaires historiques de l’ONG que Paul Watson a fondé, Sea Shepherd – avec l’Islande, le Danemark, ou encore la Norvège, autant de pays qui ont eu ou ont encore en commun de laisser libre cours à la chasse aux espèces menacées.

 

Bardot comme soutien historique 

L’ONG dispose d’une flotte de huit bateaux tous plus impressionnants les uns que les autres. Parmi eux, le Brigitte Bardot, son trimaran actuellement exposé sur les bords de Seine. Un autre est actuellement au Mexique pour protéger les dauphins, deux sont prêts à partir lutter contre la chasse aux ailerons de requins au large de l’Amérique du Sud, et deux autres sont dans l’océan Indien aux trousses d’un navire pirate. Watson précise:

“Le Sam Simon et le Bob Barker ont pourchassé ce vaisseau de braconnage de légines australes depuis l’océan Antarctique. C’est le soixante-deuxième jour de la poursuite, et la plus longue poursuite de l’histoire”

Dans la cabine du trimaran, un objet inattendu retient le regard : un buste de Marianne. À y regarder de plus près, on reconnaît le visage de Brigitte Bardot, alliée historique des opérations de Sea Shepherd, qui a donné son nom au bateau. Sur les soutiens répétés de l’actrice au Front national, Paul Watson, pour qui l’écologie est par essence apolitique, s’abstient de tout commentaire.

 

Il n’a pas de mots assez durs pour Greenpeace

Il a connu BB en 1977, lorsqu’il a eu la bonne idée de l’emmener sur les glaces pour montrer à la face du monde le massacre des bébés phoques. Le capitaine militait alors encore sous la bannière de Greenpeace, organisme autrement plus célèbre dont il est l’un des fondateurs. Pourtant, il n’a aujourd’hui plus de mots assez durs pour l’ONG superstar de l’écologie:

“Les groupes comme Greenpeace dépensent 50, 60, parfois 70 % de leurs ressources pour obtenir plus de financements. Nous n’employons pas des jeunes gens pour quémander des donations dans les rues. Nous n’achetons pas de publicité. Tout l’argent est dépensé pour nos bateaux et nos opérations”

Les actions symboliques, Greenpeace s’en est fait une spécialité, jusqu’à un mémorable fiasco à Lima, en décembre dernier. Au moment de la Conférence des Nations unies pour le climat qui se tenait alors dans la capitale péruvienne, des militants de l’ONG ont scandalisé les populations locales en allant bafouer les sites archéologiques de Nazca pour y dessiner d’immenses slogans politiques à l’attention des dirigeants présents.

 

Il ne croit plus en la classe politique 

La prochaine conférence aura d’ailleurs lieu ici, à Paris, en décembre. Bien qu’il souhaite encore à Nicolas Hulot de réussir à gagner du terrain lors de ce grand rendez-vous politique, Paul Watson n’y assistera pas :“J’étais à celle de Stockholm en 1972, à Rio en 1992. Aucune promesse n’a été tenue. (…) Aucun changement ne viendra du champ politique. Never have, never will.” Le capitaine est pourtant en contact régulier avec les partis Verts des quatre coins du globe. Sur les Français, il n’est pas très élogieux : leur participation au gouvernement leur aurait coûté trop de compromis, selon lui. Mais il ne parvient plus à voir dans le jeu politique autre chose qu’une force de maintien du business as usual.

Une force qu’il estime par ailleurs gangrénée par la corruption. LeThunder, ce même navire braconnier que Sea Shepherd pourchasse actuellement dans l’océan Indien, arrêté en avril dernier en Malaisie, n’y a écopé que d’une amende de 90 000 dollars. On l’a laissé repartir avec l’intégralité de sa prise, illégale évidemment, d’une valeur de 60 millions de dollars“Les amendes ne sont qu’une formalité dans le déroulement du business”, estime Watson. Sauf que le Thunder est mis à flot par un armateur espagnol dont la société toucherait, selon lui, près de 3 millions de dollars de subventions. “C’est simple : l’Union européenne subventionne le braconnage”, accuse-t-il.

 

“if the oceans die, we die”

Pour Watson, plus que deux options : soit le changement viendra des masses populaires, soit la nature reprendra ses droits :

“Selon la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), les ressources de pêche actuellement exploitées auront intégralement disparu en 2048. Moi je penche pour un épuisement plus rapide : 2025 ou 2030″

Les bateaux de Sea Shepherd sont donc vegan only : pas un produit d’origine animale. Car pour Watson, avec 7 milliards de bouches à nourrir et une ressource halieutique à un cheveu de l’extinction de masse, il n’existe pas de “pêche durable” : il ne faut plus manger de poisson. Il répète inlassablement son delenda carthago : “if the oceans die, we die”

En attendant que son combat trouve un écho digne de ce nom, le militant est toujours réfugié en France, pays dont la politique environnementale n’est pas exempte de critique, mais dont Watson salue une certaine tradition dans la défense des océans, tradition ancienne qui va de Jules Verne à Jean-Luc Mélenchon, en passant par Cousteau. Une histoire au sein de laquelle le capitaine Watson tiendrait lieu de Julian Assange – du point de vue des autorités nippones.

“Le Japon a le pouvoir économique et politique d’appeler Interpol et de dire : “mettez ce type sur la liste”. Il y a dans ce pays 75 membres de triades en liberté, identifiés par le gouvernement. Ce sont des gangsters. Pourtant ils n’ont que deux personnes sur la notice rouge d’Interpol : le premier est un serial killer ; je suis le second”

Visites gratuites du “Brigitte Bardot” jusqu’au 27 février à Paris (plus d’infos sur http://www.seashepherd.fr/france/evenements.html).

SOURCE : Les Inrocks



23/02/2015
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