LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

POURQUOI L'EUROPE PREND DES PINCETTES AVEC ERDOGAN

Pourquoi l'Europe prend des pincettes avec Erdogan malgré les purges lancées en Turquie

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Le président turc a la dent dure. Après la tentative avortée de putsch dont son gouvernement a été la cible dans la nuit du 15 au 16 juillet, Recep Tayyip Erdogan réagit vite et fort.
Ce 18 juillet, un total de 8777 fonctionnaires du ministère de l'Intérieur turc, en majorité des policiers et gendarmes, ont été limogés, selon l'agence de presse pro-gouvernementale Anadolu, dont près de 4500 policiers et 614 gendarmes.
De plus, 7543 suspects sont en garde à vue, dont 6038 militaires (103 amiraux et généraux), 755 magistrats et 100 policiers, a précisé le chef du gouvernement turc, qui a également fait état de 208 "martyrs". Le bilan total est donc d'au moins 308 morts.
Ces "purges" ont aussi visé un gouverneur de province, 29 gouverneurs de municipalités, qui ont été mis à pied. Elles ciblent les personnes soupçonnées de liens avec le prédicateur exilé aux Etats-Unis Fethullah Gülen, accusé par le président Erdogan d'avoir fomenté cette tentative de putsch, ce que ce dernier a formellement démenti.
Ce week-end, des partisans du président se sont illustrés par des scènes de lynchage de soldats mutins en pleine rue, tandis que Recep Tayyip Erdogan a évoqué ouvertement la possibilité du rétablissement de la peine de mort.

"Scènes révoltantes d'arbitraire et de vengeance"

Sur la scène internationale, le soulagement laisse la place à un malaise grandissant de la peur d'une dérive autoritaire. Les appels au respect des droits de l'homme se multiplient. Ce lundi, le gouvernement allemand a dénoncé des "scènes révoltantes d'arbitraire et de vengeance" survenues à l'encontre des putschistes.
"Nous appelons fermement le gouvernement de Turquie à maintenir le calme et la stabilité dans le pays, et nous appelons aussi le gouvernement de Turquie à respecter les institutions démocratiques de la nation et l'Etat de droit", a plaidé le secrétaire d'Etat américain John Kerry à l'issue d'une réunion avec ses homologues des Affaires étrangères de l'UE, une première dans l'histoire de l'Union.
"Aucun pays ne peut adhérer à l'UE s'il introduit la peine de mort", a de son côté souligné la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini à la même occasion.
Mais concrètement, ni l'UE, ni les Etats-Unis ne peuvent se permettre de placer la Turquie sur une liste noire dans le contexte actuel. Ce que le président turc semble avoir bien intégré.

1. Une allié stratégique dans la guerre contre le terrorisme

Dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, la Turquie s'est imposée comme la base arrière de l'Occident. "La Turquie a un rôle de plus en plus actif dans la guerre contre le terrorisme, confie Shoshana Fine, du Centre de recherche internationale de Science Po. Au début, l'Etat islamique a utilisé les frontières turques pour faire passer des hommes et du matériel. Les attentats récents dont elle a été cible peuvent être interprétés comme un avertissement de l'EI, même s'ils n'ont pas été revendiqués."
Sa situation géographique, entre Europe et Orient, lui confère d'ailleurs un avantage géostratégique largement exploité par l'Occident. La proximité avec la frontière syrienne de la base aérienne d'Incirlik permet à l'Otan et aux Etats-Unis d'y lancer leurs raids aériens. Or, pendant le putsch et la fermeture de l'espace aérien, aucun vol n'a pu décoller. La coalition a dû attendre dimanche pour reprendre ses frappes.

2. Une zone tampon dans la crise des migrants

Ce rôle de pont culturel et géopolitique avec le Moyen-Orient, ou de "zone tampon", la Turquie le revendique aussi dans le cadre de la crise des réfugiés. "L'UE a tendance à vouloir exporter le contrôle de ses frontières, cela donne de la puissance à la Turquie, poursuit Shoshana Fine, du Ceri. L'Europe ne devrait pas parler de crise des réfugiés quand on voit qu'il y en a trois millions en Turquie."
Au total, la guerre civile en Syrie a propulsé 2,7 millions de Syriens en Turquie, répartis dans 22 camps près de la frontières. A titre de comparaison, la France s'est engagée à accueillir 24.000 réfugiés en deux ans dans le cadre des quotas européens...
En mars, un accord a été conclu de haute lutte pour obtenir de la Turquie qu'elle ralentisse l'afflux de migrants vers l'Europe. En échange, Ankara devait obtenir autour de trois milliards d'euros d'aide par an, et l'exemption de visa dans la zone Schengen pour ses ressortissants.
Ce dernier point n'a toujours pas été appliqué, officiellement parce que les lois antiterroristes de la Turquie ne sont pas conforment au droit européen.

3. La carotte de l'adhésion à l'UE de moins en moins crédible

Pour bien manier le bâton, il est bon d'avoir une carotte en alternative. En théorie, le désir d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne joue ce rôle. Mais dans la pratique, rares sont ceux qui croient encore à sa possibilité.
Après un dépôt de candidature d'adhésion en 1987, la Turquie a attendu 1999 pour être reconnue comme candidat. Depuis, le dossier avance très lentement... Entre temps, l'élargissement de l'Union de 15 à 27 membres entre 2004 et 2007 et la crise des migrants lui ont sans doute portée un coup fatal.
L'ouverture aux pays d'Europe centrale et de l'Est s'est fait dans l'incompréhension. Pourquoi ces pays? Pour quel apport? Très vite, la libre-circulation de leurs travailleurs a cristallisé le problème, notamment avec la naissance du "plombier polonais" pendant le débat sur la directive Bolkenstein en 2007.
Avec la crise des migrants, la question de l'immigration est revenue au centre du jeu politique. Elle a été pour beaucoup dans le vote du Brexit le 23 juin, et pourrait bien provoquer l'élection d'un président d'extrême-droite en Autriche. Impossible dans ce contexte d'imaginer l'application de la libre-circulation européenne à 77 millions de Turcs.
Agacé par ces atermoiements, Recep Tayyip Erdogan a lancé le 23 juin, jour du référendum sur le Brexit, l'idée d'une consultation des Turcs sur l'opportunité de poursuivre le processus d'adhésion à l'UE. Il a alors accusé l'UE majoritairement chrétienne de ne pas vouloir de la Turquie car elle est "un pays à majorité musulmane". "Pourquoi traînez-vous autant ?", a-t-il lancé à l'attention de l'UE.

 

SOURCE : LE HUFFINGTON POST 18.07.2016



19/07/2016
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