QUAND NOS ANCÊTRES NOUS RACONTENT L'HISTOIRE DE L'ÉVOLUTION
Les origines du bison européen ont été décryptées grâce à leur ADN. De quoi interpréter différemment l’art rupestre.
820 bisons sont représentés sur les murs des grottes européennes, soit 21% de la totalité des ornements rupestres. Mais il existe deux formes bien distinctes de bisons sur lesquels les spécialistes s’interrogent depuis de nombreuses années. En cherchant à connaître les évolutions climatiques de l’Eurasie, le Docteur Julien Sourbier et le Professeur Alan Cooper de l’université d’Adélaïde (Australie) ont en fait découvert les origines du bison européen, Bison bonasus : il s’agirait du fruit d’une hybridation entre le bison des steppes (Bison priscus) et l’auroch (Bos primigenius), ancêtre des bovins actuels. Les résultats de leur découverte, qui permettent une nouvelle interprétation des peintures rupestres, ont été publiés dans Nature le 18 octobre 2016.
Une hybridation pour s’adapter aux conditions climatiques
Les scientifiques, qui cherchaient des marqueurs de changement d’environnement en Europe au Pléistocène (il y a 2,6 millions d’années à 12.000 ans), se sont intéressés aux os de bisons, dernière espèce vivante de la mégafaune de cette période pour avoir une idée de leur conditions de vie. En analysant les os et les dents de 64 spécimens de la fin du Pléistocène et du début de l’Holocène (soient de fossiles d’environ 15.000 ans), à l’Australian Center for Ancient DNA (ACAD), ils ont découvert que le génome de ces animaux provenait de deux espèces distinctes : 90% portait la signature de Bison priscus, le bison des steppes particulièrement prémuni contre le froid durant cette période glacière, 10% du babage génétique appartenait à Bos primigenius, l’auroch, mammifère plus proche de la vache qui s’est éteint au XVIIème siècle. Le bison européen surnommé "bison de Higgs" pour son origine mystérieuse, serait donc un hybride. Cette découverte a particulièrement interpellé le Professeur Alan Cooper qui connaît la rareté de ces phénomènes chez les mammifères. Le plus étonnant demeure le fait que cet hybride ce soit différencié au point de devenir une nouvelle espèce. Les deux bisons auraient dominé l’un après l’autre le génome de l’hybride, pour lui permettre de mieux s’adapter à l’environnement. Selon le climat, une espèce ou l’autre était plus présente et donc se reproduisait davantage.
Le mystère des peintures rupestre résolu
Les peintures rupestres de cette période représentent deux formes de bisons à la morphologie différente. Les uns parés de longues cornes, les membres antérieurs très robustes et une ligne dorsale oblique (très ressemblants aux bisons américains, les bisons des steppes) ; les autres pourvus de cornes à double courbure, des proportions plus équilibrées et une bosse plus petite, très semblables aux bisons d’Europe. En mettant ces illustrations en lien avec leurs découvertes, les chercheurs australiens ont compris que ces artistes avaient peint la transition entre les deux espèces de bisons. Ils représentaient ce qu’ils voyaient, et ce, de façon très précise. Aujourd’hui, leur œuvre se révèle être une véritable histoire de l’évolution des bisons.
Les deux formes de bisons dans les peintures rupestres : a) la morphologie du bison des steppes (reproduction des grottes de Lascaux, France, datant d'environ 20.000 ans), b) la morphologie du bison européen (reproduction des grottes de Pergouset, France, datant d'environ 17.000 ans). © Nature Communication
COMPLÉMENTAIRES.
Grâce à la mise en relation de deux univers (l’art et les sciences), les chercheurs ont compris une partie de l’histoire de l’évolution des bisons. Cette découverte est une nouvelle preuve de l’importance de l’hybridation comme mécanisme de spéciation, soit l’apparition de nouvelles espèces, et de leur adaptation. Pour le Docteur Julien Sourbier, le plus fou demeure le fait que la réponse était sous ses yeux depuis longtemps, mais qu'il n’avait pas su l’interpréter.
SOURCE : SCIENCES ET AVENIR 24.10.2016
A découvrir aussi
- L'EPFL APPORTE UNE NOUVELLE PREUVE DE LA VIE SUR MARS
- DES GÈNES "ÉTRANGERS" SONT PRÉSENTS DANS NOTRE ADN
- 100 000 MILLIARDS DE BACTÉRIES EN NOUS !
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 202 autres membres