LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

RÉAPPRENONS À RÊVER DU FUTUR

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L'annonce de la détection des ondes gravitationnelles a fait la une des journaux du monde entier. Après la courte effervescence mondiale, Étienne Klein, physicien et philosophe des sciences, revient pour Nom de Zeus sur cet événement majeur, qui ouvre une nouvelle page de notre futur. Et déplore qu'on ne s'y attarde pas davantage qu'une semaine.
La semaine dernière, un sujet était sur toutes les Unes, dans toutes les bouches et en tendance majeure sur les réseaux sociaux. Pourtant, il ne s'agissait "que" d'une information scientifique. On avait détecté les ondes gravitationnelles. Pour Étienne Klein, la détection de ces ondes, découvertes par Einstein en 1916, est une avancée majeure de la physique. Il estime que désormais "une nouvelle fenêtre est ouverte sur l'Univers" et espère que cette découverte va nous permettre de "nous enthousiasmer plus pour la science".

Clin d'œil cosmique

La détection de ces ondes, c'est "plus une émotion qu'une révolution, selon le savant. Il n'y a pas vraiment eu de surprise. Personne ne doutait de l'existence de ces ondes, mais on ne savait pas si on pourrait les voir un jour. Cette émotion a été accentuée par le fait que cette détection intervient exactement un siècle après que ces ondes soient sorties du cerveau d'Einstein.
C'est incroyable d'imaginer qu'il y a un siècle, un type génial a lancé une idée qui ne se vérifie qu'aujourd'hui. Autre coïncidence : les détecteurs dont tout le monde parle ont été mis en service seulement trois jours avant le passage de l'onde. Et n'ont rien détecté depuis. S'ils avaient été construits trois jours plus tard, nous serions peut-être toujours en train d'attendre. Nous devons nous émerveiller devant ce "clin d'œil cosmique"!

Vers un retour au temps long

LA question à ne pas poser : concrètement, à quoi ça sert? "Il s'agit de science fondamentale, on ne peut lui demander d'être concrète, coupe Étienne Klein. En tout cas évidemment pas dans l'immédiat. Notre société souffre de ce très court horizon dont elle n'arrive pas à se sortir, ainsi que du manque d'enthousiasme sur ce que ce type de nouvelle pourrait nous permettre d'apprendre de nous-même à l'avenir".

Fustigeant notre manque de visée, notamment politique, à long terme, le savant estime que "ce type de découverte devrait alimenter toutes les discussions, être dans toutes les têtes! Au lieu de ça, le discours ambiant, sans aucune vision, contribue à faire passer ça pour "des trucs de scientifiques". Donc on se dit trop facilement "ça, ce n'est pas pour moi", alors qu'il faut "aller vers", chercher, faire des paris sur l'avenir".

Pour le philosophe, cette courte pensée est symbolisée par cet exemple sémantique: "nous n'employons plus le mot Progrès. Il a été remplacé par le mot Innovation. Mais ça ne veut absolument pas dire la même chose selon moi. Le progrès représente une vision collective du futur vers lequel on souhaite aller, quand l'innovation se contente de rafistoler notre présent".
En d'autres termes, malgré une semaine à la Une, le soufflé est vite retombé. La science ne nous fait plus rêver. Alors que cette nouvelle, la détection des ondes gravitationnelles pensée par Einstein il y a un siècle, pourrait, et devrait nous faire rêver. "C'est à la fois un succès théorique et un exploit technologique, grâce aux 900 personnes impliquées dans les programmes LIGO et VIRGO, et même au-delà. Il faut que nous sachions rendre hommage à ces découvertes. Je dirais même que nous rendions hommage à l'Humanité. Bien sûr, les scientifiques ont tendance à faire preuve de trop de lyrisme à chaque découverte. Mais là, l'enthousiasme mondial est parfaitement justifié, nous entrons véritablement dans une nouvelle ère".
Mais il nous faut lâcher du lest dans notre quête d'immédiateté : "nous avons mis un siècle à détecter ces ondes, donc la suite devrait nous inciter à beaucoup de patience pour l'avenir. Il nous faudra réapprendre le temps long".

Une nouvelle fenêtre ouverte sur l'univers

Cette détection des ondes gravitationnelles permettra aux astrophysiciens d'observer l'univers sous un angle totalement nouveau. "Depuis quatre siècle, nous ne voyons l'univers qu'à travers la lumière, selon ce que nous a appris Galilée. Maintenant nous avons accès à autre chose. Plus d'informations. Par exemple, nous avons les moyens de remonter très loin dans le temps, nous observons des phénomènes et des objets de plusieurs milliards d'années, mais on ne peut rien voir des 400 000 premières années de l'Univers: il n'y a pas assez de lumière. Désormais, ces ondes gravitationnelles pourraient nous permettre de remonter encore le temps jusqu'aux origines de l'univers. On espère pouvoir détecter des ondes provenant directement du Big Bang!"
Car ces vagues qui balaient l'univers à la vitesse de la lumière ont une caractéristique fondamentale. "Elles gardent une trace de leurs origines, elles ne sont pas modifiées par leur propagation. Elles représentent un signal sans aucune perte d'informations. Autrement dit, à chaque détection, nous pourrons identifier la source. Par exemple, pour les ondes détectées le 11 février, nous sommes capables de dire, d'affirmer, qu'elles proviennent de la fusion de trous noirs qui s'est produite il y a 1,3 Milliard d'années".

2034, projet eLISA

Pour espérer en savoir plus un jour, il faut établir des projets à très long terme. "Seule la science s'autorise aujourd'hui le temps long. Plus aucune personnalité politique n'évoque un horizon situé au-delà de 2017, tandis que la physique peut se projeter à horizon 2070, 2100.
Ainsi, l'Agence spatiale européenne (ESA) a mis sur pied le projet eLISA. Son but : "envoyer des satellites distancés de plusieurs millions de kilomètres et reliés par des lasers, pour reproduire LIGO, mais dans l'espace, et en beaucoup plus sensible". En augmentant cette distance, les scientifiques pourront détecter des ondes à la fréquence considérablement plus basse, et ainsi découvrir des objets situés aux confins de l'univers.

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"Grâce à ce projet, on pourrait voir passer des centaines d'ondes gravitationnellesse réjouit Étienne Klein. Bien sûr, ça n'est pas pour tout de suite, la date de lancement est prévue, pour l'instant, à 2034, mais au moins il y a la volonté et la direction. Par la suite, on verra sûrement de nouveaux objets. Peut-être même qu'on verra des trous noirs, alors que jusqu'ici, leur existence n'était pas prouvée ! Il est d'ailleurs amusant de penser qu'Einstein croyait aux ondes gravitationnelles, mais pensait que nous ne pourrions jamais les découvrir, tandis qu'il ne croyait pas à l'existence des trous noirs. Aujourd'hui, non seulement nous avons détecté ces ondes, mais par là même, nous avons prouvé l'existence des trous noirs".
La Chine et les États-Unis n'entendent évidemment pas laisser l'ESA mener seule ces projets, et ont d'ores et déjà prévu d'envoyer leurs propres satellites. La date de lancement de ces projets n'est cependant pas encore connue.

Relativité générale vs physique quantique

Les ondes gravitationnelles circulent à la vitesse de la lumière, en déformant l'espace-temps. "Autrement dit, au passage de l'onde, une distance fixe peut varier. Ces ondes adoubent la théorie de la relativité générale d'Einstein, et montrent donc que l'espace/temps n'est pas celui de la physique quantique". Pour faire court et (très) simple, la physique quantique utilise des notions de temps et d'espace qui sont contredites par la théorie de la relativité générale. Tandis que cette dernière utilise des notions de matière et d'énergie qui sont contredites par la mécanique quantique.

 

"Cette nouvelle donne donc un point à Einstein, mais la situation reste assez incroyable: nous savons qu'elles ne peuvent pas être toutes les deux parfaitement vraies, alors qu'elles sont toutes les deux vérifiées dans leur propre champ". Comment les marier dans le futur?
"Grâce aux ondes gravitationnelles, nous pourrons peut-être détecter des informations contradictoires. Et se sortir de cette situation. Trouverons nous unethéorie du tout? Une gravité quantique? Rien ne peut être exclu."
Car de ce paradoxe découle une bonne partie de la science-fiction et du fantasme. "Ce n'est pas de la science-fiction, c'est de la science, estime Étienne Klein. Les déformations de l'espace-temps, dues aux trous noirs comme dans Interstellar, répondent en partie à ces théories. Autre coïncidence : l'astrophysicien spécialiste des trous noirs Kim Thorne, qui était le conseiller technique d'Interstellar, fait également partie de l'équipe LIGO, qui a détecté les ondes le 11 février.

 

 

"Forcément, on ouvre ici des portes fascinantes, poursuit le physicien. Les trous de ver, les boucles spatio-temporelles, ce sont des solutions mathématiques à des problèmes physiques. On ne sait pas, et on ne peut fermer aucune porte. Dans un siècle, quelle part de tout ça sera devenue réelle ? Qu'est-ce qui sera resté uniquement de la fiction ?" Cela dépendra de notre volonté de savoir, et probablement de lois physiques que nous ne connaissons pas encore.

Quels futurs en 2116 ?

Il aura fallu un siècle pour confirmer l'idée d'Albert Einstein, que peut-on imaginerpour 2116 ? Étienne Klein propose deux scenarii :
  • Une première option catastrophiste : la société s'effondre sur elle-même, il n'y a plus d'argent pour la recherche et l'on s'oriente vers un lent déclin nombriliste et court-termiste. Notre tendance à voir les choses au ras des pâquerettes, alors qu'on en sait plus que jamais, a contribué à notre "frein intellectuel" et nous stagnons.
  • Une deuxième option plus positive : nous avons abandonné notre regard utilitaire sur la science, et réappris le pari du futur à long terme, un futur désirable. Nous avons alors tout mis en œuvre pour le rendre possible. Cette découverte a fait éclore des vocations, comme en 1919 lorsque ce fut la ruée dans les universités de physique après les découvertes d'Einstein, et l'astronomie gravitationnelle est devenue normale. Des satellites et télescopes gravitationnels ont été envoyés dans l'espace et donnent déjà des résultats. Et qui sait, nous avons peut-être déjà observé des objets jusqu'alors inconnus".
Alors, le physicien et philosophe est-il optimiste ou pessimiste ? "Je ne suis ni l'un ni l'autre. Je suis combatif".

 

SOURCE : HUFFPOST 01.03.2016



07/03/2016
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