SCHISTES DE BURGESS : DES SOINS PARENTAUX IL Y A 500 MILLIONS D'ANNÉES
Parmi les premiers animaux marins, il y a un demi-milliard d'années, certains couvaient déjà leurs œufs, protégeant ainsi la croissance des embryons. C’est ce qu'ont découvert deux paléontologues en réexaminant, avec des techniques d’imagerie et d’analyse chimique poussées, des fossiles de Waptia fieldensis, un petit arthropode ressemblant à une crevette, trouvé il y a un siècle dans les schistes de Burgess, un site fossilifère exceptionnel de l'ouest du Canada.
Les animaux actuels développent une grande variété de stratégies reproductives adaptées à leurs conditions de vie. Certains, comme le krill dont se nourrissent les baleines, libèrent dans le milieu une énorme quantité d'œufs, dont une infime partie seulement aura une chance de conduire à un animal mature. D'autres misent au contraire sur une production beaucoup plus faible associée à des soins parentaux donnant plus plus de chances de survie à chacun. Jusqu'à présent, on ignorait presque tout des stratégies reproductives des premiers animaux marins, apparus au Cambrien.
Deux paléontologues du Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes et environnement (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/ENS de Lyon), le Musée royal de l’Ontario et l'université de Toronto au Canada ont publié le 17 décembre 2015 dans la revue Current Biology un article décrivant des fossiles exceptionnellement bien conservés de Waptia fieldensis, un arthropode de 5 à 10 cm de long ressemblant à une crevette actuelle, provenant des schistes de Burgess, en Colombie-Britannique (Canada). Ils ont montré que cet arthropode vieux de 508 millions d’années couvait un petit nombre d’œufs agglutinés sous sa carapace qui, sur son dos, juste derrière la tête, délimitait un milieu protégé des agressions extérieures et bien ventilé. Cela en fait le plus ancien exemple de soins parentaux connu avec certitude.
Waptia fieldensis couvant ses gros œufs sur son dos, sous la carapace protégeant le céphalothorax. © Danielle Dufault / Musée royal de l’Ontario
Des œufs révélés par la microscopie électronique
W. fieldensis possède, comme les décapodes actuels, une carapace recouvrant le céphalothorax, entre les yeux et l'abdomen. Grâce à des techniques d'imagerie et de cartographie d'éléments chimiques, les chercheurs ont caractérisé chez plusieurs spécimens fossiles de W. fieldensis des œufs et des embryons, disposés sur une seule couche entre cette carapace et le corps de l’animal. Les œufs couvés étaient relativement gros (jusqu’à 2 mm) et peu nombreux (24 au maximum, parmi les spécimens observés). La microscopie électronique et l’étude des compositions chimiques permettent de distinguer des zones qui pourraient correspondre à la membrane, à l’embryon lui-même, et aux réserves vitellines qui lui permettent de se développer (le « jaune » des œufs de poule). La quantité variable de ces réserves laisse penser que les embryons observés sont à différents stades de développement.
De minuscules arthropodes actuels, de la classe des ostracodes, portent aussi leurs œufs sous une carapace, comme le faisaient déjà leurs ancêtres il y a 450 millions d’années. Ces ostracodes, W. fieldensis ou encore Kunmingella douvillei (un fossile du célèbre gisement chinois de Chengjiang, daté de 515 millions d’années) ont en commun une carapace enveloppante et protectrice. Il semble donc que cet attribut morphologique ait favorisé le développement d'une stratégie de soin parental chez les arthropodes primitifs.
SOURCE : Futura Sciences 22.12.2015
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