SÉDUCTION ET SEXUALITÉ : TOUS CONNECTÉS, TOUS ASSISTÉS
Des premiers textos à la rupture en passant par la géolocalisation de l’être aimé, les applications se mêlent de tout. Un peu, beaucoup, à la folie.
La séduction est compliquée. La négociation sexuelle aussi. Mêmedégrafer un soutien-gorge demande deux doctorats (un en stylisme, un en anatomie). Le monde est une jungle hostile, nous sommes perdus. Est-ce terrible ? Certainement. Mais cette situation constitue surtout une magnifique opportunité pour tout un tas de business farfelus… qui ne semblent pas toujours faire fortune.
Commençons par la séduction. Quand on parle technologie, les sites et applications de rencontre viennent spontanément à l’esprit… Sauf que l’assistance se limite à vous mettre en relation, et que vous vous tapez tout le boulot – les déceptions, les conversations, la sélection, tout.
Succès garanti pour 50 dollars
D’où l’idée d’externaliser un processus chronophage. Ainsi l’applicationTinderUs se charge de vous tailler un costard, pardon, un profil, qui garantira votre succès. Pour 50 dollars, les experts sélectionnent vos photos les plus flatteuses, rédigent votre bio (laquelle fait environ une demi-ligne), suggèrent des phrases d’accroche et des conseils. Je traduis : pour le prix d’un chouette premier rendez-vous, cette appli se charge de la partie la plus facile et divertissante de la séduction en ligne. Dans le même esprit, vous trouverez quantité de compilations d’astuces plus ou moins inspirées (« abordez des sujets marrants, amusants, taquins, et des sujets démontrant votre haute valeur ») – il en existe littéralement des douzaines.
Pour une aide de proximité et francophone, tapez « coach séduction » sur votre ordinateur et contemplez la marée des choix possibles, entre livres, séminaires, services personnalisés… une compétition acharnée, révélant l’ampleur de la demande. Il existe même une école pour se former au coaching en séduction (75 euros l’introduction de 90 minutes). Des coachs pour coachs…
Et quand vous aurez trouvé l’âme sœur ? Ne prenez surtout pas les choses en main, malheureux. Une application comme BroApp se charge d’envoyer des textos à votre place (grâce à plusieurs années passées à « perfectionner la recette de la communication amoureuse », selon les concepteurs). Si vous préférez vous y coller vous-même, mais sansallumer votre cerveau, les sites pourvoyeurs d’idées déjà formatées pour la messagerie existent par pelletées entières.
Notons que ça marche aussi si vous n’avez pas trouvé l’âme soeur, mais que vos parents/amis vous embêtent avec votre célibat. Cette fois, il vous faudra une liaison virtuelle. Sur InvisibleGirlfriend et InvisibleBoyfriend et pour 25 dollars par mois, non seulement vous créez sur mesure la créature de vos rêves (si vous manquez d’imagination, le site vous proposera des images, des types de personnalité et des scénarios de rencontre), mais vous avez accès à un forfait d’une note manuscrite, dix messages vocaux et 100 textos.
Rupture assistée
Bon, imaginons maintenant que vous ayez trouvé quelqu’un et que ça devienne sexuel. Je zappe les suggestions de Kamasutras, on perdrait trois décennies rien qu’à vouloir les dénombrer. Grâce à SpreadSheet, un des pionniers de ce qu’on appelle aujourd’hui le quantified sex, vous pouvez « tracer » vos galipettes – fréquence, durée, nombre de décibels, satisfaction, et bien sûr l’application vous proposera des défis (car le sexe est, en fait, un jeu vidéo). Spreadsheet a engendré un nombre incroyable de petites sœurs : Lovely qui se connecte directement à un anneau pénien vibrant (à quand le feedback en direct ?), Nipple qui permet de voir ses performances évoluer, CoupleKeep pour partager ses fantasmes, etc.
Si le sexe ne vous intéresse pas, peut-être avez-vous besoin d’un assistant de couple ? Sur Kindu, vous organisez ensemble vos activités. SurLoveByte, vous créez votre propre réseau social (c’est-à-dire que vous partagez vos photos érotiques sans qu’on puisse les pirater). Sur Couple, vous géolocalisez votre partenaire et c’est l’angoisse (« Chéri ! Tu es en train d’oublier la baguette tradition ! »). Enfin et entre autres, sur Avocado, vous partagez vos souvenirs, votre calendrier (GoogleCalendar propose aussi cette option, soit dit en passant), votre liste de courses et de corvées, vous me dites quand vous défaillez sous la romance, d’accord ?
Toujours plus loin dans la flemme : la rupture assistée. Il existe désormais plusieurs options (payantes) permettant de faire passer la douloureuse par un organisme indépendant (mais pas neutre puisqu’au service de celui/celle qui paie). BreakUpText pour les fans de textos, TheBreakUpApppour s’infliger des quiz ou des chansons tristes, TakeABreak pour ne pas voir les actualités de son ex sur Facebook, entre autres. Mais ma préférée reste BreakUpShop, qui permet de choisir à la carte comment annoncer la nouvelle. 10 dollars le texto (la lâcheté coûte cher), 20 dollars la lettre, 29 dollars le coup de fil, 40 dollars le bouquet de fleurs (oui, apparemment on peut offrir des fleurs de rupture). Mon option favorite restant le pack complet de consolation avec 300 grammes de cookies, une carte-cadeau valable pour 30 dollars de films ou de séries sur Netflix (notons au passage qu’il existe un guide des positions sexuelles les plus adaptées au binge-watching sur Netflix), deux verres à vin rouge (pourquoi deux ?), une lettre de compassion rédigée à la main, et au choix, soit le jeu vidéo Call of Duty (dans lequel on massacre virtuellement des kilomètres d’ennemis, parfait pour la catharsis) soit un DVD du film « N’oublie jamais » sorti en 2004 (avec le beau Ryan Gosling). Autant dire que la lettre mise à part, ce pack de consolation ressemble incroyablement à un coffret de la Saint-Valentin. Mais bon. On imagine que le business a ses raisons que la raison ignore.
Péché capital
Si on se trouve de l’autre côté de la rupture et qu’on a été abandonné/e comme un iPhone périmé, même pas mal : l’application RxBreakUp, conçu par une thérapeute et une designeuse de cosmétiques, permet de suivreun programme en trente jours pour se reconstruire. J’ai arrêté au quatrième jour, mais j’ai appris qu’il ne fallait pas recontacter mon ex et qu’il fallait gérer à la fois mon temps libre et ma colère (d’où les verres de vin du BreakUpShop, j’imagine). Et après la rupture ? Repartez au point n°1…
En conclusion de cette tendance « poil dans la main » ? Quand la technologie avance, parfois, nous faisons du surplace. Car, avant les rencontres en ligne, il y avait les entremetteuses ou les parents. Avant les coachs, nous avions le courrier du cœur. Avant Facebook, nous avions déjà des cercles d’amis (mais si, rappelez-vous). Avant le sexe quantifié, nous avions des journaux intimes. Alors d’accord, pour les amoureux virtuels et la rupture, c’était un peu plus compliqué… mais pas de quoijustifier une telle déferlante !
Cela dit, pourquoi pas ? En cette période de résolutions tartinées de bons sentiments, autant s’accorder un peu de flemmardise – péché capital, au même titre que la luxure. En ce dernier jour des vacances, autant retournerau lit… smartphone à la main, bien sûr.
SOURCE : Le Monde 03.01.2016
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