UN AVION SCIENTIFIQUE ENTRE DANS UN NUAGE D'ANTIMATIÈRE
En 2009, un avion scientifique est entré dans un nuage d'antimatière. Après six ans de vains efforts pour essayer de comprendre la présence de ce nuage d'antimatière, les chercheurs qui étaient à bord de l'avion s'apprêtent aujourd'hui à publier leurs données.
Nous sommes au mois d'août 2009. Le physicien Joseph Dwyer (Université de Santa Cruz en Californie, États-Unis) et ses collègues sont à bord d'un avion scientifique, un Gulfstream V du Centre National américain de Recherche Atmosphérique, équipé d'un détecteur de particules. Le but ? Etudier les rayons gamma de l'atmosphère, lesquels sont produits par des processus nucléaires qui se déroulent au coeur des noyaux atomiques.
Or, l'avion est soudainement pris dans un violent orage, si puissant que le pilote de l'avion manque de perdre le contrôle de l'appareil. Un peu plus tard, alors que l'avion est revenu au sol et que les premières données recueillies par le détecteur de particules commencent à être étudiées par les chercheurs, un résultat pour le moins surprenant se fait jour : le détecteur de particules a enregistré la présence massive de positons, des particules d'antimatière. En d'autres termes, lorsque l'avion était prisonnier de l'orage, il venait en réalité d'entrer dans un nuage d'antimatière...
Durant les six années consécutives à ces mesures, les chercheurs ont tenté de comprendre d'où avait pu provenir ce nuage d'antimatière. Mais en vain. Ils s'apprêtent seulement aujourd'hui à publier leurs données dans la revue Journal of Plasma Physics. Une publication annoncée le 12 mai 2015 dans un communiqué mis en ligne par l'Université du New Hampshire (États-Unis), et relayée par la revue Nature.
Pour comprendre, rappelons tout d'abord ce qu'est l'antimatière. Les particules d’antimatière ont la même masse que leurs équivalentes de matière, mais portent une charge électrique opposée. Par exemple, le positon, chargé positivement, est l’antiparticule de l’électron, chargé négativement. Les particules de matière et d'antimatière sont toujours produites ensemble, sous forme de paire. Par ailleurs, une particule et son antiparticule peuvent s'annihiler mutuellement lorsqu'elles rentrent en contact : elles sont alors intégralement converties en photons (un processus appelé annihilation).
Rappelons enfin que tout ce qui nous entoure est presque exclusivement composé de matière. Un constat à l'origine d'un célèbre mystère non encore percé de la physique. En effet, cela suggère que lors de l'évolution de l'Univers, des quantités très importantes d'antimatière ont été "perdues".
Ceci étant posé, revenons aux étonnantes observations réalisées en 2009 par les physiciens américains. Qu'ont-ils précisément mesuré lors de cet orage ? Ils ont enregistré trois pics de rayons gamma, à des énergies situées autour des 511 kilo électronvolts. Soit ni plus ni moins la signature d'un processus d'annihilation entre des électrons et des positons (rappel : le positon est une particule d'antimatière chargée positivement, antiparticule de l'électron). En d'autres termes, de nombreux positons étaient présents à ce moment-là, et ont interagi avec les électrons situés au même endroit.
Selon les auteurs de l'étude, le nuage d'antimatière dans lequel l'avion s'est retrouvé piégé était large de un à deux kilomètres.
Comment expliquer la présence de ce nuage de positons dans lequel l'avion est entré ? Force est de constater qu'à l'heure actuelle, les auteurs de ces mesures peinent à trouver une réponse satisfaisante. Ils avancent deux hypothèses, mais qu'ils jugent toutefois peu probables.
La première de ces deux hypothèses est la suivante : il arrive que les électrons libérés par les nuages électriquement chargés produisent des rayons gamma très énergétiques, qui peuvent en retour générer des paires de positons (antimatière) et d'électrons (matière) lorsqu'ils frappent des noyaux atomiques. Problème : l'équipe n'a pas détecté suffisamment de rayons gamma de niveaux énergétiques suffisamment élevés pour produire un tel phénomène.
Autre hypothèse : les positons détectés par l'avion proviendraient de rayons cosmiques ayant heurté les atomes de l'atmosphère terrestre, un phénomène qui se produit en permanence. En théorie, il est tout à fait possible d'imaginer qu'un mécanisme non indentifié à ce jour ait dirigé les positons vers l'avion. Mais ce phénomène aurait normalement du produire dans le même temps d'autres types de rayonnements, ce qui n'a pas été le cas.
Pour percer ce mystère, Joseph Dwyer et ses collègues envisagent désormais de réaliser de nouvelles études au coeur des orages, en y envoyant notamment des ballons scientifiques : "L'intérieur des orages est un paysage bizarre que nous commencons à peine à explorer", a indiqué Dwyer à la revue Nature.
SOURCE : Le Journal de la Science
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