Contrairement à ce que l'on pourrait croire le Fonds monétaire international (FMI) répugne à établir le classement des économies. Autant le FMI ne cesse de calculer et de prévoir les taux de croissance annuelle de chacun de ses 188 pays membres, autant l'idée de les ranger entre eux en termes de poids relatif, du premier au 188e, le fait hésiter: ce serait bien peu diplomatique! Ce classement n'apparaît donc jamais sur le devant de la scène, même s'il existe bien évidemment.
Ce n'est que de façon incidente que les experts de Washington l'écrivent donc noir sur blanc dans leur nouveau rapport sur l'économie mondiale, le World economic outlook, d'avril 2016: «La Chine maintenant la plus importante économie du monde sur la base des parités de pouvoir d'achat est en train de vivre une transition essentielle mais complexe vers une croissance plus soutenable fondée sur la consommation et les services», peut-on lire.
L'euro place Tiananmen et avenue Montaigne
La Chine a donc bien le Produit intérieur brut (PIB) le plus «important», en «parité de pouvoir d'achat», précise le FMI, qui considère par ailleurs que ce concept est tout à fait significatif et particulièrement utile. Il part de l'observation qu'avec un euro ou un dollar, on achète plus de choses à Pékin qu'à Paris, essentiellement pour la raison que la main d'œuvre y est moins chère. Il est ainsi moins coûteux de se faire coiffer près de la place Tiananmen qu'avenue Montaigne. La «parité de pouvoir d'achat» des monnaies n'est donc pas exactement celle que font apparaître les cours des devises sur les marchés de change.
C'est sur cette base que le FMI recalcule les PIB nationaux en «PIB corrigés des parités de pouvoir d'achat (PPA)». Il ne s'agit pas de raffinements d'experts mais d'un exercice très concret. Cela permet en effet de donner une image plus réaliste de l'économie mondiale: en PPA le PIB mondial atteint 155.752 milliards de dollars, au lieu de 96.387 milliards de dollars quand on se contente de convertir les PIB nationaux aux taux de change des marchés. Le PIB en PPA donne une vue plus réaliste des conditions de vie et de richesse de l'ensemble des citoyens du monde.
Le FMI accorde tellement de signification au PIB en PPA qu'il établit sa prévision de croissance mondiale, prévue à 3,2% en 2016, sur cette base. C'est le chiffre «officiel» auquel il accorde le plus d'importance, et le seul qui est discuté dans les réunions internationales et dont on parle dans la presse.
Si la pondération des PIB nationaux se faisait sur la base des taux de change des marchés, la croissance mondiale ne serait que de 2,5%. Et pour une raison toute simple: les pays émergents pèseraient moins lourd, or ils continuent d'avoir des taux de croissance relativement plus élevés malgré leurs difficultés récentes.
La France derrière le Brésil et la Russie
Le classement de PIB en «parité de pouvoir d'achat» donne également un classement sensiblement différent. La Chine arrive donc en tête, pesant pour 17,1% du PIB mondial, suivie des États-Unis (15,8%), puis de l'Inde, troisième, avec 7% (du PIB mondial), le Japon est quatrième (4,3%), l'Allemagne cinquième (3,4%), juste devant la Russie, sixième avec 3,3%, puis le Brésil, qui malgré tous ses malheurs actuels est septième (2,8%), le Royaume-Uni venant en huitième rang (2,4%), la France neuvième (2,3%), le Mexique clôturant le top ten, pesant 2% du PIB mondial. Et encore ces chiffres sont-ils extraits d'un tableau du rapport du FMI publié mardi ne regroupant que les principaux pays de chaque continent. L'Indonésie n'y figure pas , or son PIB en parité de pouvoir d'achat dépasse celui de la France, ce qui relègue cette dernière en réalité à la dixième position.
Rappelons que dans le classement des PIB calculés avec les taux de change des marchés des monnaies, la France vient au sixième rang derrière les États-Unis et la Chine, pratiquement ex æquo, suivis du Japon, de l'Allemagne et du Royaume-Uni, qui nous a ravi la cinquième place depuis 2014. Et l'Inde talonne désormais l'Hexagone.
SOURCE : LE FIGARO 13.06.2016