LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

LE BUSINESS DU CANNABIS EXPLOSE AUX ETATS-UNIS

Plus de la moitié des Etats américains autorisent aujourd’hui, pour un usage récréatif ou médical, la consommation de marijuana. Une nouvelle industrie a vu le jour avec cette légalisation. Le marché légal devrait dépasser les 20 milliards de dollars d’ici à 2020

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Snoop Dogg n’a jamais caché son penchant pour la marijuana, il s’est même vanté d’en avoir fumé à la Maison-Blanche. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que la légende vivante du hip-hop américain s’est lancée tête la première, et les yeux à demi-ouverts, dans le business du cannabis. Alors que la consommation d’herbe tend à se légaliser aux Etats-Unis, le rappeur compte bien en faire son nouveau fonds de commerce.
Calvin Broadus, de son vrai nom, a commencé par mettre sur pied Casa Verde Capital, un fonds d’investissement doté d’une puissance de feu de 25 millions de dollars. Il a déjà servi à financer le site merryjane.com, sorte de réseau social dédié au cannabis, et Eaze, un centre de distribution d’herbe à usage médical en Californie. Au mois de novembre, il a lancé sa propre marque, Leafs by Snoop, dont la gamme de produits, qui va de la fleur de cannabis à la barre chocolatée, est disponible dans une soixantaine de magasins du Colorado.
Snoop Dogg n’est pas la seule personnalité américaine à s’aventurer dans le business de l’herbe. L’acteur Seth Rogen, l’ancien membre d’un boys band Nick Lachey (ex-mari de Jessica Simpson) ou l’ex-gloire de la NBA Oscar Robertson y ont tous investi une partie de leur fortune. Si certains se justifient en arguant qu’il faut aider les personnes souffrant d’un cancer, d’autres, à l’image de la star de musique country Willie Nelson, font preuve de moins de scrupules: «J’ai acheté assez d’herbe durant toutes ces années, le moment est venu d’en vendre à mon tour», expliquait-il au Guardian l’an passé.

Une industrie en plein boom

Si l’industrie attire ces stars fortunées, c’est qu’elle connaît un boom sans précédent aux Etats-Unis. Dans un rapport publié début février, ArcView et New Frontier Data, deux instituts de recherche spécialisés, estiment que le commerce légal de cannabis a rapporté 5,4 milliards de dollars en 2015. Contre 4,6 milliards un an plus tôt. La seule vente légale «à usage récréatif» – par opposition à celle vendue sur prescription médicale – a généré 998 millions de dollars, ce qui représente une hausse de 184% par rapport à 2014. Mieux encore, à en croire les auteurs de l’étude, le marché légal devrait atteindre 6,7 milliards de dollars en 2016 et même 21,8 milliards en 2020.
L’émergence de cette nouvelle industrie est liée à l’évolution de la loi. La vente sur prescription est aujourd’hui autorisée dans 23 Etats américains. Quant à la vente pour un usage récréatif, elle est légale dans quatre Etats, le Colorado, Washington, l’Alaska et l’Oregon. Un nombre qui devrait progresser en 2016 puisque des votations auront lieu dans sept Etats, dont la Californie, le Nevada et l’Arizona. La Floride, l’Ohio, le Missouri et la Pennsylvanie devront quant à eux choisir s’ils autorisent ou non l’usage à titre médical.

Les collectivités publiques en profitent

Ce nouveau business profite aux collectivités publiques. Au Colorado, premier Etat à avoir totalement légalisé la production, la vente et la consommation de cannabis à des fins non médicales, les taxes et autres licences ont rapporté 135 millions de dollars en 2015, selon ArcView. Soit près de deux fois plus qu’en 2014 (76 millions). Quant à l’État de Washington, il a récolté 70 millions de dollars de taxes pour des ventes totales de 257 millions.
Les autorités fiscales ne sont pas seules à profiter de cette nouvelle mine d’or. Il y a ceux qui produisent, vendent ou distribuent les produits comme Snoop Doog et Willie Nelson. Il y a aussi toute une industrie annexe, comme les fabricants de lampes, de systèmes d’irrigation ou de vaporisateurs. Certains proposent même des barres chocolatées au cannabis sans gluten. Et puis il y a le secteur touristique. Au Colorado, 50% des clients des «marijuana dispensaries» viennent d’un autre Etat, voire de l’étranger.
Selon les auteurs du Marijuana Business Factbook 2016, chaque dollar dépensé pour acheter de l’herbe entraîne l’injection de trois dollars supplémentaires dans l’économie américaine. Ils estiment ainsi que l’impact économique total du cannabis atteindra 44 milliards de dollars aux Etats-Unis en 2020. Contre environ 13 milliards en 2015.
Face à de telles perspectives de croissance, les investisseurs ont les yeux qui brillent. Rien que l’année dernière, une centaine de start-up actives dans le secteur ont ainsi levé plus de 215 millions de dollars, indique le cabinet financier CB Insights. Si ces sociétés avaient tendance à se concentrer sur la production et la vente de cannabis, elles s’orientent désormais vers d’autres domaines de l’industrie, à l’image de SericaPay, qui propose un système de paiement en ligne basé sur la technologie «blockchain».

Des obstacles à l’échelle fédérale

Deux plateformes d’échanges électroniques, Americanex et Cannabis Commodities Exchange, ont également vu le jour. Seul problème: les acheteurs et les vendeurs doivent se trouver dans le même Etat pour effectuer une transaction. Car la vente et la possession de marijuana restent interdites à l’échelon fédéral. Du coup, les banques n’autorisent pas les transferts d’argent liés au commerce du cannabis. En tous les cas pas d’un Etat vers un autre.
Le fait de ne pas avoir accès au système bancaire n’est pas la seule difficulté à découler de l’interdiction fédérale. Les entreprises actives dans l’industrie du cannabis ne peuvent pas se placer sous la protection de la loi en matière de faillite. Elles ne peuvent pas non plus déduire leurs frais des impôts fédéraux. Au Colorado enfin, il faut résider depuis deux mois au moins dans l’Etat pour investir dans le secteur.
Ces obstacles, peu propices aux affaires, demeureront en place tant que la loi fédérale n’aura pas évolué. Un porte-parole de la Maison-Blanche ayant récemment douché les espoirs des plus optimistes en rappelant que Barack Obama n’avait pas fait de cette question l’une de ses priorités pour la fin de son mandat, tout dépendra donc du futur président. Et à ce jeu-là, selon un article publié sur merryjane.com, c’est Donald Trump qui serait le plus amène de légaliser la marijuana à l’échelle fédérale. «A condition qu’il tienne parole», conclut l’auteur.

La guerre des chiffres fait rage

La ville de Denver compte davantage de dispensaires distribuant de l’herbe (200) que de pharmacies (120). C’est l’un des constats d’un rapport de la Rocky Mountain High Intensity Drug trafficking area (RMHIDTA). Cette agence, chargée de coordonner les efforts de lutte contre les drogues, s’est donné pour mission de documenter l’impact de la légalisation de manière objective. Mais elle est dirigée par Tom Gorman, un fervent détracteur de l’amendement 65 accepté par 55% des électeurs de l’État en 2012, qui autorise la production et la consommation de cannabis aux adultes de plus de 21 ans.
Son dernier bilan, sorti en septembre 2015, dresse une liste des effets néfastes observés depuis janvier 2014, date à partir de laquelle la marijuana s’est trouvée en vente libre: augmentation des accidents de la route liés à l’usage de cannabis, hausse de la consommation chez les adolescents, explosion des saisies de marijuana provenant du Colorado dans d’autres Etats. En 2014, on dénombre seize cas d’hospitalisation d’enfants pour intoxications à la marijuana. Les autorités ont été prises de court par le boom de produits comestibles à base de cannabis sur le marché. Pour éviter que des brownies psychotropes ne se retrouvent par erreur entre les mains des mineurs, ou que des consommateurs n’absorbent du THC en surdose, ils ont revu les emballages et mené des campagnes de prévention ciblées autour de ces nouvelles denrées.
D’autres observateurs de la légalisation du cannabis, dans le camp des défenseurs, font état d’un bilan positif, avec une baisse du nombre de crimes sur le territoire du Colorado. A qui se fier? «La guerre des chiffres ne fait que commencer et il faudra un certain temps avant de pouvoir dresser un vrai bilan de la légalisation. Sans compter que consommer de la marijuana légalement est une nouvelle pratique. Les usagers apprennent à s’adapter en faisant des erreurs et les autorités, en ajustant leurs politiques», souligne Frank Zobel, d’Addiction Suisse, qui observe de près les expériences de légalisation de part le monde.
Au rang des bonnes nouvelles, le nombre d’emplois liés au marché du cannabis a explosé (+ 16 000 en 2014) au Colorado. Les arrestations pour possession de cannabis ont drastiquement baissé (-85% depuis 2010) et avec elles, les coûts pour la justice. Et, surtout, le revenu des taxes prélevées sur la vente de cannabis qui se chiffrent en millions.

SOURCE : Le Temps.CH 30.03.2016



31/03/2016
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