LE LITTLE BANG D'UNE SUPERNOVA EXPLIQUE LA ROTATION DU SYSTÈME SOLAIRE
La naissance de la Terre, des planètes et du Soleil à partir d'un nuage de gaz et de poussières a très vraisemblablement été provoquée par l'explosion d'une supernova il y a environ 5,56 milliards d'années. D'après une nouvelle étude, cette hypothèse d'un « Little Bang » rend également compte de la rotation initiale de la nébuleuse qui a engendré le Système solaire.
La cosmogonie (du grec cosmo-« monde » et gon- « engendrer ») scientifique propose et étudie des scénarios pour expliquer la naissance des astres et finalement de l’univers observable lui-même. Le plus connu de ces scénarios est bien sûr celui du Big Bang. Mais en ce qui concerne la genèse du Soleil et des planètes, on parle d’un Little Bang. De quoi s’agit-il ?
Pour le comprendre, il faut remonter quelques siècles en arrière, aux travaux visionnaires de Descartes et surtout de Kant et Laplace.
Ils ont conduit à l’image d’une nébuleuse protosolaire, vaste nuage de gaz et de poussières en rotation, en train de s’effondrer sur elle-même du fait de sa propre gravité.
Les forces centrifuges perpendiculaires à l’axe de rotation de ce nuage s’opposant à l'effondrement, celui-ci était bien plus rapide et facile le long de cet axe.
Finalement, de grossièrement sphérique, le nuage serait devenu un disque en rotation rapide.
En son centre, le proto-Soleil continuait de s'échauffer sous l'effet de la compression de la matière poursuivant sa contraction, jusqu’à l’allumage des réactions thermonucléaires qui, aujourd’hui encore, font briller le Soleil, 4,56 milliards d’années après sa naissance.
Une onde de choc dans la nébuleuse protosolaire
Ce scénario séduisant soulevait tout de même plusieurs problèmes.
Le premier provient des travaux du physicien James Jeans qui en était venu à formuler, près d’un siècle après Kant et Laplace, le célèbre critère de Jeans. Il donne les limites de masse, de densité et de température pour qu’une nébuleuse s’effondre sous sa propre attraction gravitationnelle. Or, ce critère ne fonctionnait pas pour notre propre Système solaire. En effet, la nébuleuse à l’origine du Soleil et de son cortège de planètes était trop peu massive et surtout trop peu dense pour s’effondrer d’elle-même.
Une solution avait cependant été trouvée : le passage d'une onde de choc, augmentant localement la densité du gaz et générée par l’explosion d’une supernova au voisinage de la nébuleuse. Les exigences du critère de Jeans sont alors réunies. Mais comment tester une telle théorie ?
Une coupe de la célèbre météorite d'Allende. © wikipedia-Shiny Things
Au début des années 1970, des chercheurs comme Robert Clayton et Jerry Wasserburg ont analysé des inclusions riches en aluminium et en calcium (baptisées CAI pour Calcium Aluminum-rich Inclusions) découvertes dans une météorite tombée près du village d’Allende au Mexique, le 8 février 1969.
Avec stupéfaction, ils ont mesuré dans ces inclusions blanchâtres des anomaliesisotopiques pour certains éléments comme l’oxygène mais surtout le magnésium, précisément pour les isotopes 26Mg et 24Mg. Ces anomalies ne s’expliquaient que si une supernova avait d'abord injecté dans la nébuleuse protosolaire (où s’est formée cette météorite) des éléments radioactifs à courte durée de vie (dont l’aluminium 26 se désintégrant en 26Mg), puis provoqué l’effondrement de cette nébuleuse.
Le scénario du Little Bang s’est bien développé depuis lors. On a baptisé Coatlicue, l'étoile mère du Soleil, celle qui a explosé en supernova, et des télescopes comme Hubble, Spitzer, Herschell et aujourd’hui Alma ont repéré de jeunes disques protoplanétaires.
Cependant, les étapes ayant mené du Little Bang aux planètes du Système solaire sont loin d'être toutes comprises. Quelle est par exemple l’origine de la rotation initiale de la nébuleuse protosolaire ?
L'hydrodynamique et la naissance du disque protoplanétaire
Puisque la turbulence dans un fluide génère naturellement des tourbillons, on pouvait penser que la nébuleuse elle-même était initialement une région turbulente au sein d'un nuage plus grand.
L’astrophysicien Alan Boss et sa collègue Sandra Keiser de la célèbre Institution Carnegie à Washington viennent de parvenir à une tout autre conclusion, comme ils l’expliquent dans un article déposé sur arxiv.
Alan Boss travaille depuis des années sur les simulations numériques de la formation du Système solaire, reposant sur les lois de la thermodynamique et de l’hydrodynamique, à partir d’un Little Bang. Selon lui, les abondances de certains isotopes trouvés dans les météorites s'expliquent bien mieux si l’onde de choc de la supernova a conduit à un nouvel avatar de la célèbre instabilité de Rayleigh-Taylor (ainsi nommée en hommage aux physiciens britanniques Lord John William Strutt Rayleigh et Geoffrey Ingram Taylor).
Cette instabilité survient dans un milieu comportant deux fluides de densités différentes etstratifiés dans un champ de gravité où le plus dense est initialement au-dessus.
Cette situation n’est pas stable, si bien que le fluide le plus lourd développe des sortes de panaches pénétrant le fluide le plus léger, tandis que celui-ci, à l'inverse, crée des panaches analogues qui s’élèvent.
Dans l'océan existe un phénomène ressemblant à l’instabilité de Rayleigh-Taylor par ses manifestations, mais son origine est différente : c'est une instabilité de double diffusion. Il se forme ainsi des « doigts de sel » lorsqu’une couche d’eau particulièrement salée et chaude se retrouve au-dessus d’une eau moins dense.
À leur grande surprise, Boss et Keiser ont découvert que des analogues des doigts de sel avaient en fait mis en rotation la nébuleuse protosolaire, fournissant donc une explication naturelle au fait que celle-ci ait donné un disque dans lequel vont pouvoir naître par accrétion les planètes à partir des poussières puis des collisions de planétésimaux.
SOURCE : Futura Sciences 23.08.2015
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