LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

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SCIENCES : "NOS RECHERCHES NOUS MÈNENT À L'ORÉE DE LA MORT"

Le neurologue Steven Laureys dirige le Science Coma Group à l’université et au CHU de Liège, en Belgique. Il s’intéresse aux expériences de mort imminente.

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Vous avez ouvert une fenêtre sur la mort…

La conscience humaine, avec l'origine du monde et l'origine de la matière, est l'une des plus grandes énigmes scientifiques. Comme l'étude des rêves nous a permis d'apprendre que le cerveau avait des niveaux d'activité variables selon les phases de sommeil, les expériences de mort imminente (EMI) vécues par des patients constituent des fenêtres sur nos derniers instants, à l'orée de la mort. Ces récits nous offrent l'opportunité d'étudier cette chose fondamentale : la conscience, l'âme.

Pourquoi la médecine ne s'intéresse-t-elle que depuis peu à ce phénomène?

Pendant longtemps, elle ne l'a pas pris au sérieux alors qu'il suscite un grand intérêt de la part du public. Parce qu'il touche aux croyances, il est demeuré tabou. En tant que scientifique, neurologue et clinicien, j'ai voulu m'en approcher sans arrogance. Beaucoup de livres sur le sujet étaient factuellement faux. Ainsi, on ne "revient" pas de la mort. La mort cérébrale, c'est la mort! Les expériences de mort imminente ne sont donc pas une preuve de vie après la mort. Mais elles constituent une piste pour étudier ce qui se passe juste avant la mort cérébrale.

Comment étudier ce moment fugace?

Avec les 30 chercheurs du Coma Science Group, nous nous intéressons à l'émergence de la conscience, en étudiant par exemple la façon dont des lésions cérébrales altèrent nos perceptions et nos pensées, grâce à des outils d'imagerie comme la résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) qui montre le cerveau en activité. Dans notre équipe, trois doctorants se consacrent à plein temps à l'étude des expériences de mort imminente. Notre premier but est de recueillir des témoignages. Grâce à un appel à témoins, nous en avons déjà étudié plus de 300. Mais nous recherchons encore des volontaires pour mieux documenter ces souvenirs*. Un patient sur dix qui survit à un arrêt cardiaque vit une EMI. Celle-ci se produit aussi chez des victimes de trauma crânien ou face à un danger de mort. Mais dans 20% des cas, elle a lieu chez des personnes dont la vie n'était pas menacée : pendant le sommeil, une méditation, une crise d'épilepsie ou de migraine, voire pendant un orgasme!

Qu'éprouve-t-on lors d'une expérience de mort imminente?

Nous avons établi un "top 10" des éléments qu'ils citent le plus souvent. Neuf témoins sur dix évoquent une sensation de bien-être intense ; la plupart relatent la vision d'une lumière douce ou vive ; huit patients sur dix vivent une "sortie de corps" ; trois sur dix voient défiler le film de leur vie. D'autres ressentent une présence, celle d'un être cher ou de la Vierge Marie! Si l'on retrouve ce phénomène dans toutes les cultures, des variantes existent. Dans le monde judéo-chrétien, les patients parlent souvent d'une lumière au bout d'un tunnel. En Inde, c'est une rivière. Dans le monde musulman, une porte… Pour mieux comprendre ce vécu subjectif, nous décryptons ces récits avec des neuropsychologues, à l'aide de questionnaires solides sur les caractéristiques de la mémoire. Nous démontrons que ce ne sont pas des mémoires ­imaginées.

La science a-t-elle pu confirmer le phénomène de "sortie de corps"?

Des études sont menées pour savoir si les visions décrites par les patients correspondent à ce qui se passe dans la réalité pendant leur coma : certains relatent des vues surplombantes de la chambre d'hôpital, avec parfois la possibilité de traverser les murs, de se déplacer… En Grande-Bretagne, l'équipe du Dr Parnia a placé des objets en haut d'armoires dans les salles de réanimation où séjournent des malades en arrêt cardiaque. À chaque survivant, on demande s'il peut décrire ces objets. À ce jour, aucun témoignage ne l'a confirmé. En revanche, on sait que l'on peut provoquer en labo la sensation de décorporation en stimulant des zones du cerveau, dans le cortex temporo-pariétal droit. Notre objectif est d'accroître notre connaissance du fonctionnement cérébral résiduel des patients qui survivent à une atteinte sévère du cerveau, afin d'améliorer leur prise en charge. Et peut-être, un jour, percer le mystère de la conscience.

 

SOURCE : le JDD 23.08.2015



28/08/2015
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