LES 4 VÉRITÉS DE BRANE

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VIOLENCES POLICIÈRES : "POUR DES PANS DE LA POPULATION, LA POLICE N'EST PAS LÉGITIME"

Presque sept mois après la mort d'Adama Traoré, l'affaire Théo -trois policiers sont mis en examen pour violences et un pour viol- soulève une nouvelle fois la question des violences commises par des forces de l'ordre. Et celle de leur impunité présumée.

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Trop peu de condamnations

"Ce qui est intéressant, c'est que les policiers disent au contraire qu'ils sont trop surveillés et que ce sont les jeunes en face d'eux qui bénéficient de cette 'impunité", note d'emblée Christian Mouhanna, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP). Si le sociologue pointe "des dérapages des deux côtés et une méconnaissance de part et d'autre", il ajoute que les forces de l'ordre restent "peu condamnées par la justice" dans les cas de violences policières.
En mars dernier, un rapport de l'ACAT, l'ONG Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, intitulé "L'ordre et la force", dénonçait le risque "d'impunité" des forces de l'ordre. "L'actualité en 2016 a confirmé notre constat. Il n'y a pas d'évolution positive", estime Aline Daillère, responsable des programmes France. Entre 2005 et 2015, 89 cas de blessures graves - dont 26 ayant entraîné la mort - liées à l'utilisation de la force par la police ou la gendarmerie ont été étudiés par l'association. Seuls sept ont donné lieu à des condamnations, relevait le rapport. Ainsi, dans plus de 90% des cas les agents n'étaient pas condamnés.

Un organe de contrôle pas considéré comme objectif

Un très faible taux qui nourrit le sentiment d'une impunité des forces de l'ordre, selon Aline Daillère. "Dans ces affaires de violences policières, on retrouve souvent des points similaires: des enquêtes qui peinent à être indépendantes, sont peu approfondies ou pas complètes, et qui débouchent sur très peu de condamnations. Et lorsqu'elles sont prononcées, celles-ci sont relativement faibles par rapport à ce qu'un citoyen encourt pour des faits similaires." 
Ce jeudi, les enquêteurs de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) ont écarté dans une note la thèse d'un "viol délibéré" sur Théo, indiquant que la pénétration était "non intentionnelle". Toujours est-il que "la police enquête sur la police, donc même si elle fait bien son travail, elle sera toujours suspecte de ne pas avoir travaillé à charge et à décharge", analyse de façon générale Christian Mouhanna.
C'est pourquoi il faudrait envisager "un système d'enquête indépendant" comme cela existe au Québec ou en Grande-Bretagne, juge-t-on à l'ACAT. D'autant que, parfois, "certains actes d'enquête évidents tels l'audition de témoins, le visionnage de vidéos ou la reconstitution de faits sur les lieux ne sont pas menés", détaille Aline Daillère

Une vision du maintien de l'ordre qui pousse au conflit

Si les récentes affaires de violences policières ont encore accentué ce sentiment de rupture, la fracture entre la population -notamment dans les quartiers dits "sensibles"- et les forces de l'ordre, ne date pas d'hier. "Depuis de nombreuses années, on est plutôt dans la construction d'une relation de haine, uniquement conflictuelle", indique Christian Mouhanna. En effet, à partir de la fin des années 1990, "on a cessé de relancer des opérations pour rapprocher la population et la police", développe le sociologue qui rappelle notamment la disparition de la police de proximité, en 2003, sous l'égide de Nicolas Sarkozy
A la place, les gouvernants ont imposé la stratégie anglo-saxonne du "containment" qui consiste "à mettre la pression sur ces quartiers, à cibler dans la rue, à contrôler les groupes de jeunes", décrit le chercheur. Ainsi, la "BST" pour Brigade spécialisée de terrain instaurée par Brice Hortefeux, alors ministre de l'Intérieur, juste après la fin de la police de proximité, a pour objectif de réinvestir les quartiers par "la dissuasion et la répression". Ce sont des membres de cette brigade intervenant au coeur des cités qui sont mis en examen dans l'affaire Théo.
"Il faut que les apparences donnent l'illusion de la maîtrise du territoire tandis qu'on ne règle pas les problèmes de fond, qui ne peuvent d'ailleurs pas se résoudre seulement par la présence policière", analyse le directeur du CESDIP. Désormais chargée par l'Etat de "gérer les populations", la police s'éloigne des habitants auprès desquels elle pourrait aussi trouver appui dans son travail. Résultat ? "Pour des pans de la population, la police n'est pas légitime", regrette le chercheur. Pour exemple, à Aulnay-sous-Bois, les policiers de la BST et leurs méthodes "viriles" sont surnommés "les tabasseurs".  
"Il y a un vrai besoin de s'interroger sur les manières de faire police, sur ce que l'on attend d'elle", souligne Aline Daillère de l'ACAT. Cette remise en question passe notamment par la formation des forces de l'ordre. Car pour Christian Mouhanna, cette crispation est avant tout le résultat de politiques liées à une certaine vision du maintien de l'ordre, plutôt qu'aux hommes eux-mêmes.

SOURCE : l'express 09.02.2017



10/02/2017
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